Le 1er avril, Burger King France a fait le buzz - et un carton - en proposant pour 19 euros sept nuggets accompagnés de 10 grammes de caviar de la gamme Platine d'Astara (habituellement à 28,90 euros).
L'opération s'inspire d'une tendance TikTok où les stars, parmi lesquelles Rihanna, se filmaient mangeant des nuggets au caviar, comme le propose le restaurant Beau à Dubaï depuis l'an dernier .
"En essayant de faire se confronter deux univers que tout oppose - le luxe et le fast-food -, on tente de bousculer les codes, de désacraliser un produit historiquement considéré comme luxueux et élitiste. C'est visuel, c'est viral, cela alimente les discussions car c'est provoc', mais cela reste avant tout un effet et une ficelle de communication", estime auprès de l'AFP Robin Panfili, journaliste gastronomique et auteur de la newsletter culinaire "Entrée, plat, dessert".
"Le phénomène n'est pas nouveau", ajoute-t-il. Il y a une dizaine d'années, le médiatique chef américain David Chang faisait sensation avec son poulet frit trempé dans du caviar.
En France, le chef Greg Marchand s'est lui associé en 2019 avec Petrossian pour proposer un "Fried Chicken Caviar" à la carte de l'annexe street food de son étoilé Frenchie, fermée depuis.
Chips et caviar
La célèbre maison de caviar propose par ailleurs depuis quelques années un "Rostoff", à mi-chemin entre blini et omelette, roulé comme un wrap et garni de caviar, vendu une vingtaine d'euros.
Le PDG de Petrossian, Mikaël Petrossian, parle de "désacralisation". "Le caviar, ce n'est pas nécessairement dans une grosse boîte et avec des présentoirs en argent... On peut avoir un usage assez décomplexé du produit", assure le quadragénaire. "Moi-même, j'aime bien manger du caviar avec des chips".
L'association plaît également à Moïse Sfez, fondateur de la chaîne Homer Lobster, qui propose depuis cinq ans d'agrémenter d'oeufs d'esturgeon ses "lobster rolls" (sandwichs briochés au homard), ses "grilled cheese" (sandwichs au fromage) ou ses chips pour trente euros de plus.
"Le but, c'est de donner l'occasion de manger des trucs assez exceptionnels à travers une façon de l'amener très simple", explique le trentenaire, qui collabore avec le producteur et distributeur Maison Nordique.
Désacralisation ou démocratisation ? Olivier Cabarrot, PDG de Caviar House & Prunier, producteur et distributeur avec la marque Prunier, réfute ces deux termes: avec des prix allant de 1.000 à 30.000 euros le kilo, "en termes de gastronomie, vous n'avez rien de plus cher au monde. À partir de là, il est difficile de parler de démocratisation".
Plus petites quantités
"Mais on peut parler d'une plus grande accessibilité, qui se fait non pas par le prix mais par de plus petites quantités proposées", constate-t-il.
De nombreux distributeurs vendent en effet depuis quelques années des boîtes de 10, 20 ou 30 grammes. De quoi attirer une clientèle plus jeune, souligne-t-on chez Petrossian et Prunier.
"Le fantasme populaire, c'était le saladier avec le caviar servi à la louche. On est complètement sorti de ça (...) La consommation est devenue un petit peu plus courante, un peu moins sacralisée. Même s'il garde ce côté qui fait rêver", affirme Rémi Dechambre, journaliste gastronomique au Parisien Week-end.
Reste à savoir déguster ce produit, prévient Françoise Boisseaud, directrice générale du fournisseur Le Comptoir du caviar.
"Il y a toute une éducation à faire", affirme-t-elle. Entre le caviar baeri, l'osciètre, le sevruga ou le beluga, "la richesse du monde du caviar est infinie, comme le vin".
Pour elle, la meilleure façon de le déguster, c'est avec une baguette croustillante et du beurre, pas avec du poulet frit ou des chips.