Travail le 1er-Mai: les boulangers empêtrés dans une législation jugée trop floue

Des Français privés de baguettes le 1er-Mai ? Face à une législation floue, qui les empêche en théorie d'employer du personnel lors de la Fête du Travail, les boulangers veulent que la loi évolue, une revendication soutenue par le gouvernement.

Chaque année à la même période, Fabrice Collet, patron de la boulangerie "Maison Collet", dans le centre de Paris, se pose la même question: "Ouvrir ou pas le 1er mai ?"

Plusieurs années de suite, il a reçu la visite d'un inspecteur du travail, qui lui a notifié des milliers d'euros d'amendes parce qu'il faisait travailler des employés ce jour-là.

Pourtant, la demande sera, il le sait, au rendez-vous: "Je vais peut-être vendre 1.300 (baguettes) +tradition+ le 1er mai, contre 800 d'ordinaire. L'an dernier, on a écoulé 1.000 viennoiseries, versus 360 un jour normal", constate-t-il, en se plongeant dans son livre de comptes.

Dans les entreprises de boulangerie-pâtisserie, la possibilité d'employer des salariés le 1er mai reposait jusqu'à présent sur une position ministérielle du 23 mai 1986. Mais cette dérogation est devenue obsolète après une décision de la Cour de cassation en 2006.

Le sujet était resté dans les limbes jusqu'à un rebondissement l'an dernier: des contrôles inopinés dans des boulangeries en Vendée, le 1er mai 2024 par l'Inspection du travail, rapporte la Confédération nationale de la boulangerie.

Quelles exceptions?

L'amende encourue est de 750 euros par salarié concerné, 1.500 euros quand celui-ci est mineur, s'est ému Dominique Anract, président de cette organisation professionnelle, auprès de l'AFP.

"Jusqu'à l'an dernier, personne ne s'était posé la question. On avait toujours travaillé, les gens sont payés le double, tout le monde était content et les clients consomment ce jour-là", souligne-t-il.

La loi reste pour le moment très floue. Ainsi, selon la Confédération nationale de la boulangerie, des exceptions existent.

Par exemple, une boulangerie qui livre des hôpitaux, des établissements pénitentiaires ou des EHPAD pourrait être considérée comme exerçant une activité qui ne permet pas d'interrompre son travail le 1er-Mai.

Il pourrait en être de même s'il n'y a qu'une seule boulangerie-pâtisserie au sein d'une commune.

En revanche, si une boulangerie ne répond pas à ces critères, même si elle peut être ouverte le 1er-Mai, aucun salarié ne pourra y travailler. Seul(s) le(s) chef(s) d'entreprise pourront travailler voire des membres de la famille sous réserve qu'ils ne soient pas salariés.

Des discussions sont en cours avec le ministère du Travail.

"Je ne peux imaginer qu'on doive fermer 34.000 boulangeries en France, le pays du pain !", a lancé Dominique Anract.

Ces revendications semblent en tout cas entendues par le gouvernement.

"Tradition française"

"Le pain est une tradition française", a jugé la ministre du Travail, Catherine Vautrin. "Je m'engage à soutenir les initiatives parlementaires qui feront évoluer la loi et permettront aux salariés des boulangeries de travailler le 1er-Mai s'ils le souhaitent." "Ça fait partie de ces contraintes qui méritent d'être desserrées", a-t-elle estimé sur France 2.

"L'application de cette loi est aujourd'hui difficilement compréhensible", a admis Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l'Emploi. "Ce sont des métiers importants. Si, sur une base volontaire avec des compléments de salaire, les gens ont envie de s'organiser, on doit pouvoir laisser (faire) avant de pouvoir clarifier les choses dans la loi", a-t-elle dit sur BFMTV/RMC.

Marine Le Pen, pour le RN, a apporté sur le réseau X son "soutien" aux "boulangers qui souhaitent ouvrir leur commerce le beau jour du 1er mai, avec des salariés évidemment volontaires".

"Travailler le 1er-Mai ne doit plus être le motif de sanction pour ceux qui, par choix, veulent simplement faire leur métier et servir leurs clients", ont exigé plus d'une cinquantaine de parlementaires LR, à l'initiative du député Alexantre Portier (Rhône) dans une lettre adressée à Catherine Vautrin.

"Laissons ceux qui veulent travailler le faire librement", a abondé sur X l'ex-ministre du Commerce Olivia Grégoire, députée EPR.

David Lisnard, maire LR de Cannes et patron de l'Association des maires de France (AMF), y voit, lui, une question de "liberté".

"Je suis prêt à payer un +premium+ pour avoir du pain le 1er mai", avance Olivier, client d'une boulangerie du 2e arrondissement à Paris. "Egoïstement, je pense que ceux qui ne travaillent pas ont besoin de pouvoir acheter des viennoiseries ce jour-là", renchérit sa collègue Myriam.

ito-burs/alu/skh

© 2025AFP