Dans l'hôtellerie, les balbutiements de l'IA, en attendant la révolution

Une myriade d'outils proposent de mettre l'intelligence artificielle au service des hôteliers pour les aider à fixer leur prix ou mieux répondre aux demandes des clients, mais la vraie révolution viendra avec les premiers agents de voyage IA, selon les professionnels invités au salon Food Hôtel Tech.

"On est très peu nombreux à utiliser l'IA dans nos métiers. On a fait une enquête interne à l'Umih (première organisation patronale du secteur, NDLR) et 63% des hôteliers interrogés n'utilisent pas du tout l'IA", expose Véronique Siegel, qui dirige la branche hôtellerie de cette organisation.

Dans ses deux établissements alsaciens, elle utilise l'IA pour répondre aux commentaires des clients en ligne: "Cela nous fait gagner du temps et de l'énergie car on limite les irritants", raconte-t-elle en tribune de ce salon spécialisé dans les nouvelles technologies qui se tenait à Paris cette semaine.

En revanche, le test d'un outil utilisant l'IA pour répondre aux questions des clients en chambre ne l'a pas convaincue: "Très peu de clients l'ont utilisé, alors que j'ai poussé".

Pourtant, c'est cette solution qu'Amazon prévoit de déployer en Europe après un lancement aux États-Unis: "une conciergerie numérique dans les chambres d'hôtel via [son agent logiciel] Alexa, avec une enceinte connectée et un écran tactile", détaille Séverine Philardeau, directrice d'Alexa Entreprise au sein d'Amazon.

"On peut lui demander à la fois des informations générales sur la destination et des informations spécifiques sur l'hôtel, comme l'heure du petit déjeuner, mais aussi des choses concrètes: j'ai besoin d'une serviette, je souhaite réserver un taxi... tous ces usages où il faut aller [aujourd'hui] à la réception", détaille-t-elle, soulignant qu'à terme l'outil serait en outre multilingue.

Traduction en direct, hyper-personnalisation des offres, aide au marketing...."L'enjeu de l'IA c'est de libérer du temps dans les hôtels pour que les employés puissent se concentrer sur leur métier", estime Charles-Antoine Duron, directeur tourisme et mobilité au sein de Google.

"Game changer"

Mais "on est au début de la course", relève-t-il. Selon lui, ce qui changera la donne, "ce sera un outil qui réserve les vols, qui donne des recommandations sur la destination... Mais on n'y est pas [aujourd'hui]. Ce sera le vrai pivot pour notre secteur", assure-t-il.

Un avis partagé par Gilles Maillet, chargé notamment du secteur voyage au sein de Meta (Facebook, Whatsapp, Instagram): "les agents IA arrivent (sur le marché), il faut être préparé" et se demander comment le secteur doit s'adapter "plutôt que de résister".

Encore faut-il jouer à armes égales, souligne Véronique Siegel: "Aujourd'hui les plateformes type Booking ne partagent pas les données clients et considèrent qu'elles ne nous appartiennent qu'au moment du check-in", déplore-t-elle, ce qui limite les possibilités d'exploiter ces données et de se positionner.

Les hôteliers mènent un combat au niveau européen sur ce sujet dans le cadre du règlement de l'Union européenne sur les marchés numériques (DMA).

L'hôtelière Véronique Siegel fait valoir en outre que dans son secteur, "il faut garder à l'esprit que le service client passera toujours par de l'humain. L'IA c'est un moyen qui permettra de le faire mieux mais beaucoup de clients veulent avoir quelqu'un en face d'eux".

Au sein de Best Western France, l'IA est utilisée pour personnaliser l'offre de séjour et de services au sein des hôtels proposée aux clients: "On peut essayer de générer plus de valeur avec des offres personnalisées. Une grande partie des clients trouvent cette personnalisation positive et une petite partie juge que c'est intrusif", expose Mélanie Lelivec, directrice marketing et communication du groupe en France.

Le recours à l'IA peut se faire plus discret, à l'instar de ce que propose Happening Now, un outil destiné aux hôteliers pour anticiper les pics de demande, mieux gérer les stocks et les tarifs des chambres, en épluchant tous les évènements et la météo dans l'environnement d'un hôtel donné.

"Le but, c'est d'être complet le jour de l'événement. Si un hôtel est complet trop longtemps avant, c'est qu'il n'est pas assez cher, et s'il n'est pas complet (le jour J) c'est qu'il est trop cher", résume le fondateur de cette solution IA, Grégoire Mialet.

"L'IA évolue chaque jour, et chaque jour il y a de nouvelles sociétés qui se créent", fait-il valoir.

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