L'UE finalise son texte pour verdir les emballages, les dérogations s'accumulent

Contenants dans les fast-foods, consigne des canettes métalliques, bisphénol-A... eurodéputés et Etats membres tentent lundi de finaliser un texte pour verdir les emballages dans l'UE, qui pourrait cependant prévoir de nombreuses dérogations sous pression de l'Italie et des industriels.

Des colis aux gobelets de café, les Européens n'ont jamais autant généré de déchets d'emballages: 188,7 kg par habitant en 2021 (un bond de 32 kg en une décennie), pour un taux de recyclage de seulement 64% (40% pour les emballages plastiques), selon Eurostat.

Une législation du "Pacte vert" pour les réduire fait l'objet d'ultimes pourparlers entre les Vingt-Sept et les négociateurs du Parlement européen, au risque d'édulcorer fortement le texte.

- Objectifs de réduction

La Commission européenne avait proposé un objectif de réduction de 5% d'ici 2030 (par rapport à 2018) du volume de déchets d'emballages, puis de 10% en 2035 et 15% d'ici 2040.

Ces chiffres devraient être repris avec des aménagements. Les eurodéputés veulent des objectifs spécifiques de réduction des déchets d'emballages plastiques (-10% dès 2030).

- Collecte, recyclage et consignes

C'est le coeur du texte: selon la proposition initiale, tous les emballages vendus devront être recyclables à partir de 2030 et effectivement recyclés d'ici 2035 -- ce calendrier et les critères de recyclabilité pourraient être ajustés.

Autre objectif: pour maximiser le recyclage, au moins 90% des matériaux d'emballages (plastique, bois, aluminium, verre, carton...) devraient être collectés séparément d'ici 2029.

Surtout, Bruxelles prévoyait l'obligation pour les Etats d'établir un système de consigne pour les bouteilles en plastique et canettes métalliques d'ici 2029, à moins que le taux de collecte séparée de ces déchets n'atteigne 90%.

Face aux inquiétudes du coût pour les collectivités, les eurodéputés souhaitent abaisser à 85% ce taux de collecte permettant d'être exempté de l'obligation de consigne, et les Etats à 78%.

Le texte fixe aussi un taux minimum de matériau recyclé dans les contenants plastiques, et la vente de sacs en plastique ultra-légers pourrait être interdite. Sachets de thé et étiquettes des fruits et légumes devraient être compostables.

- Boîtes de camembert

Les emballages en bois (boîtes de camembert, bourriches d'huîtres...) ou en cire (Babybel) seraient exemptés à ce stade de l'obligation de recyclage, faute de filière dédiée et vu leurs faibles volumes.

- Emballages réutilisables

Estimant que recycler ne suffit pas, Bruxelles propose des niveaux contraignants de réemploi des emballages pour divers secteur (e-commerce, électroménager, boissons, bière...).

Dans la restauration, Bruxelles fixait des objectifs d'emballages réutilisables ou permettant la recharge pour les boissons à emporter (20% d'ici 2030, puis 80% d'ici 2040) et les aliments à emporter (10% en 2030).

Une mesure soutenue par les Etats --mais complètement supprimée par les eurodéputés au profit d'une simple obligation pour les restaurants d'accepter les contenants apportés par les clients: le sujet reste âprement discuté.

Les eurodéputés ont aussi voté pour exempter le secteur viticole et les indications géographiques protégées, et, au-delà des microentreprises et petits commerces, étendre largement les dérogations: notamment en cas de matériaux recyclés, ou si le taux de collecte des emballages concernés dépasse 85%.

Les Etats ont défendu d'autres exemptions --boîtes en carton, boissons "périssables" ...--, et la possibilité pour les fabricants de boissons de se regrouper pour mutualiser l'objectif.

- Bisphénol-A, PFAS

Les eurodéputés entendent interdire l'ajout intentionnel dans les emballages alimentaires de polyfluoroalkylés (PFAS, "polluants éternels") et de bisphénol-A (autre perturbateur endocrinien), omniprésents malgré les avertissements de scientifiques sur leurs effets nocifs.

Les Etats sont réticents, réclamant d'abord l'avis d'un régulateur.

- Emballages à usage unique

Autre contentieux, le texte prévoit une liste d'emballages à usage unique jugés superflus et interdits à partir de 2030: flacons miniatures (shampoing) dans l'hôtellerie, emballages plastiques groupés, dosettes de sauce ou de sucre...

Des restrictions visant les emballages pour fruits et légumes pourraient être limitées aux matériaux plastiques.

Mais, à l'inverse des Etats, les eurodéputés se sont farouchement opposés à l'interdiction des contenants à usage unique pour les aliments et boissons consommés dans les cafés-restaurants.

Les géants du fast-food et les industriels du papier vantent les mérites "écologiques" des emballages cartons, recyclables ou issus de forêts durables, par rapport au plastique ou au réemploi --qui selon eux exigerait d'utiliser plus d'eau et d'énergie.

L'Italie, qui a investi dans un important réseau de recyclage, plaide également en ce sens.

Selon une source parlementaire, un compromis en discussion prévoit une dérogation générale aux restrictions d'emballages à usage unique et aux obligations de réemploi si l'Etat enregistre un taux global de recyclage des emballages d'au moins 70% (seuls sept pays seraient concernés... dont l'Italie).

- Espace vide des emballages

Le texte pourrait limiter l'espace vide toléré dans les emballages: Bruxelles proposait un taux d'espace vide maximum de 40%, les Etats défendaient un plafond moins contraignant (50%).

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