"Pour ne pas fermer": patrons de bars, cafés, restaurants résignés à vérifier l'identité des clients

"C'est une contrainte, mais on préfère ça à la fermeture". Patrons de bars, cafés et restaurants se résignent à devoir bientôt vérifier l'identité de leurs clients, aux termes du projet de loi en cours d'adoption au Parlement, pour freiner l'utilisation frauduleuse du pass sanitaire, appelé à devenir pass vaccinal.

"Avoir à vérifier l'identité sera certainement très gênant, ce n'est pas ce que l'on attend en rentrant dans un hôtel ou un restaurant. C'est une contrainte supplémentaire indéniable pour nos professionnels", dit à l'AFP Hervé Becam, vice-président de l'Umih, principal syndicat de l'hôtellerie restauration.

"Mais s'il faut le faire et si c'est un moyen de sortir au plus vite de la crise et d'éviter de fermer, bien évidemment qu'on le fera", ajoute-t-il.

Le projet de loi adopté en première lecture à l'Assemblée jeudi après des débats houleux prévoit que, outre les forces de l'ordre, les gérants des lieux et activités soumis au pass tels les cafetiers et restaurateurs pourront, sous conditions, en vérifier la validité.

Mais ce contrôle ne sera pas "systématique", a assuré le ministre de la Santé Olivier Véran. C'est "lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté n'est pas authentique ou ne se rattache pas à la personne qui le présente" qu'un document d'identité pourra être demandé, précise un amendement.

Le gouvernement évoque une vérification d'identité "banale", similaire à celle imposée aux buralistes pour prévenir la vente de tabac aux mineurs. Et "quand vous payez en chèque, on vous demande votre pièce d'identité", a insisté le Premier ministre Jean Castex au micro de BFM/RMC jeudi.

"Nous nous y plierons mais on ne pourra pas exiger un contrôle à 100%, c'est impossible", affirme Didier Chenet, président du GNI, syndicat patronal qui représente des indépendants de l'hôtellerie restauration souvent réticents à ce contrôle.

"C'est vraiment pas notre boulot de faire les flics. Je ne suis pas complotiste du tout, je suis vacciné, mais là je trouve qu'on entre dans une dictature", dit à l'AFP Luc Minaire, propriétaire du bouchon lyonnais Le Musée. "Evidemment je suis la loi, même si je ne suis pas d'accord", ajoute-t-il.

 "Mauvais contact" 

Pour Amandio Galhalo, propriétaire à Roubaix du Mercado negro, une ancienne usine textile reconvertie en bar et restaurant, "il faut faire avec, il faut bien s'en sortir". "Mais c'est gênant: on met en doute la parole du client, ça crée d'emblée un mauvais contact", dit-il.

Si le texte est adopté tel quel -à sa deuxième lecture à l'Assemblée, après être passé au Sénat-, détenir un faux pass sera passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende. En présenter un appartenant à autrui ou en transmettre un dans le but d'une utilisation frauduleuse sera puni d'une amende forfaitaire de 1.000 euros, contre 135 euros aujourd'hui.

Selon le ministre de la Santé, "5% des patients hospitalisés" en France disposent de faux pass sanitaires.

Hôteliers, cafetiers et restaurateurs s'inquiètent surtout de la chute d'activité due aux contraintes sanitaires comme le télétravail renforcé, rapporte le patronat qui presse le gouvernement de garantir que "les entreprises en difficulté vont pouvoir être aidées à hauteur de leur perte de chiffre d'affaires du moment", précise M. Becam.

"C'est la première préoccupation de nos professionnels aujourd'hui", résume-t-il, avec "le remboursement des Prêts garantis par l'Etat (PGE)" et la possibilité de voir le chômage partiel indemnisé "à la même hauteur qu'en plein coeur de la crise", il y a un an.

Même constat de M. Chenet: les patrons sont "beaucoup plus inquiets des indemnisations qui aujourd'hui ne répondent pas à nos attentes". Les organisations du secteur s'apprêtent à publier un sondage auprès de 3.000 entreprises, évaluant leur perte d'activité.

Cette semaine les entreprises en difficulté ont obtenu des aides renforcées, ainsi que la possibilité d'étaler leurs remboursements de PGE jusque sur 10 ans et de décaler la première échéance de remboursement de six mois.

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