Paul Marcon, la "gagne" en cuisine plus qu'un nom de famille

Enfant, Paul Marcon empruntait la toque de son père, Régis, pour jouer les apprentis cuisiniers. À 28 ans, l'Auvergnat est en lice pour la finale internationale du Bocuse d'Or, étape suprême dans sa quête de "légitimité" hors de l'ombre de son mentor, chef triplement étoilé.

Loin du petit village de Saint-Bonnet-le-Froid, en Haute-Loire, où il a grandi et rejoint le restaurant familial à l'été 2023, le jeune Marcon s'apprête à vivre son "rêve de gosse", les 26 et 27 janvier à Lyon lors de ce concours culinaire, le plus renommé au monde.

Compétiteur hors pair, il s'entraîne pour cela sans relâche depuis plusieurs mois, en ayant néanmoins fait le choix de tenir son père à distance. Celui-ci n'est consulté qu'occasionnellement, au même titre que "n'importe quel autre chef", souligne Paul Marcon.

"L'envie de bien faire et d'aider est là, mais elle est forcément biaisée par la relation que nous avons", explique-t-il d'une voix posée, aux côtés de Régis, lors d'un entretien avec l'AFP à Écully, en banlieue lyonnaise, où il se prépare avec son équipe aux épreuves à venir.

Effectivement, "c'est compliqué", renchérit le père. À 68 ans, le chef aux trois étoiles Michelin a pourtant été très présent lors des débuts en compétition de son fils, benjamin d'une fratrie de quatre et dont il ne cache pas sa fierté.

Paul n'a jamais eu froid aux yeux. Adolescent, il s'inscrit seul à ses premières compétitions alors qu'il est encore en école hôtelière. Partout, il est "exposé à la critique", scruté, car directement associé au nom prestigieux de son père, se souvient-il.

Petit à petit, il aiguise son mental, gagne en maturité et apprend à faire fi des qu'en-dira-t-on, digérer les échecs (redoutables pour un tel compétiteur), tout en composant avec la pression du papa qui, en entraînement, reconnait avoir été "dur avec lui comme je l'ai été avec d'autres".

"Je n'avais pas envie qu'il aille au casse-pipe et qu'il soit ridicule. Pour lui, et puis peut-être un peu pour moi aussi", glisse Régis Marcon.

"Très cadrée, millimétrée"

Prix à payer pour être formé à l'excellence ? "S'il n'avait pas été là, j'allais droit dans le mur et on n'en serait pas là aujourd'hui", relativise Paul, pragmatique.

Très tôt, l'enfant aux cheveux bruns a montré qu'il avait la "patte" en cuisine. "Il prenait la toque, participait au petit-déjeuner, faisait ses petites crêpes... On sentait qu'il avait envie, tout simplement, de faire des choses", se remémore Régis Marcon.

En 1995, avant la naissance de Paul, son père remporte à 38 ans le Bocuse d'Or qui n'était alors pas la "machine lourde incontournable" qu'elle est aujourd'hui, avec des budgets bien moindres, pas d'étapes de sélection... L'Altiligérien avait été choisi pour représenter la France sans avoir auparavant fait ses armes en concours.

À la différence de Paul, "je n'étais pas sûr de moi, j'étais très anxieux dans ma cuisine", souligne le chef.

Car si la même sève circule dans leurs veines, père et fils ne sont pas faits du même bois.

Dans la vie, le père se dit "poète, laissant place à l'imprévisible", s'intéresse plutôt à la musique ou à la danse, tandis que le plus jeune, carré et déterminé, est passionné de sports et de nouvelles technologies.

La cuisine de Paul est "très cadrée, millimétrée", selon lui, une "cuisine de concours" à son image avec laquelle il espère bientôt briller à Lyon et, qui sait, décrocher le Graal de la gastronomie.

"J'ai senti que j'avais une légitimité, ou que je me sentais prêt, en tout cas, à tenter ma chance", explique-t-il.

Et lorsqu'on lui demande si l'important, c'est de participer, il reste de marbre: "J'ai horreur de cette phrase. Si j'y vais, c'est pour gagner."

Points communs entre les deux? "Je me permets de prendre la parole avant lui", répond derechef le père. Comme Paul et son aîné Jacques, chef au restaurant de Saint-Bonnet-le-Froid, ils sont "viscéralement attachés" à leurs racines auvergnates.

Chez les Marcon, où "on n'est pas les plus expressifs", Paul retiendra également la "valeur travail" transmise par ses deux parents, celle qui lui permet de continuer à faire grandir son histoire, et celle de sa famille.

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