Loin de la soupe de pois: un restaurant étoilé révèle la richesse de la cuisine néerlandaise

Hareng, croquettes frites et stroopwafels sucrées: à l'étranger, la renommée des Pays-Bas ne repose pas sur la cuisine. Mais un restaurant étoilé élu meilleur du monde sur TripAdvisor reflète une scène gastronomique en plein essor.

À l'exception des huîtres irlandaises et du boeuf Wagyu japonais, tout le menu du restaurant Bougainville est composé de produits néerlandais, explique à l'AFP Tim Golsteijn dans sa cuisine animée bordant la place principale d'Amsterdam.

"La gastronomie néerlandaise s'est vraiment développée ces dix dernières années, notamment parce qu'Amsterdam devient de plus en plus une grande ville internationale", estime le chef âgé de 36 ans, né dans la capitale.

"Ce n'est pas comparable avec Londres, New York ou Tokyo, mais on y arrive", ajoute-t-il fièrement tandis que ses adjoints hachent, tranchent et remuent différents ingrédients avant un autre service chargé.

En 1958, il n'y avait que huit restaurants étoilés Michelin dans tout le pays. Mais aujourd'hui, les Pays-Bas ont grimpé dans le top 10 mondial, avec 123 restaurants distingués.

M. Golsteijn utilise du poisson de la mer du Nord, du homard et de l'agneau locaux, mais voyage et s'inspire également des cuisines du monde entier, reflétant l'histoire des Pays-Bas, une terre de marins et colons.

"Il y a très longtemps, nous étions des voyageurs (...) nous sommes revenus avec des épices, du café, du chocolat. Nous avons intégré cela dans notre culture culinaire", a-t-il déclaré.

Mais il s'inspire également des mets typiques néerlandais, qu'il élève à un niveau gastronomique.

Par exemple, le restaurant sert du kibbeling, une humble collation de poisson frit que l'on trouve dans des échoppes de rue à travers le pays, qu'il cuisine avec du bar au lieu des habituels morceaux de morue.

'Tellement plus'

La réputation de la cuisine néerlandaise est injuste, insiste Isabelle Nelis, qui organise des tournées culinaires à travers à Amsterdam.

"La plupart des gens pensent aux plats lourds comme la soupe aux pois, ou aux plats que l'on fait en hiver avec de la purée de pommes de terre, du chou, des saucisses, mais il y a tellement plus", raconte-t-elle à l'AFP.

Cela va au-delà de la nourriture : les "polders", ces territoires gagnés sur la mer, contiennent d'excellents minéraux bénéfiques à la production de raisins, et l'industrie du champagne est en plein essor, explique-t-elle.

La scène gastronomique a beaucoup changé au fil des années et est désormais "vivante et animée", estime-t-elle, aidée par la nature cosmopolite d'Amsterdam.

"On peut manger toutes les nationalités" du monde dans les restaurants, qui servent quelque 180 types de cuisine différents à Amsterdam, a-t-elle déclaré.

Les Pays-Bas sont passés d'une poignée de restaurants étoilés, à "24 ou 26 rien qu'à Amsterdam" aujourd'hui explique Eric Toner, le propriétaire du Bougainville.

La scène culinaire néerlandaise est pour lui aussi devenue méconnaissable au cours des dernières décennies. La nouvelle génération a des goûts beaucoup plus raffinés, inspirés par un plus grand choix de cuisines du monde entier, observe-t-il.

"Nous sommes passés d'un petit pays normal où tout le monde mange une grosse poêle de pommes de terre sur la table (...) à une culture alimentaire internationale", a-t-il déclaré.

La récompense a fait la une des journaux aux Pays-Bas, mais le propriétaire et le chef de l'établissement reconnaissent que le prix TripAdvisor, basé sur les avis des clients plutôt que sur les critiques professionnelles, ne propulse pas leur restaurant aux plus hauts échelons de la gastronomie mondiale.

Pour M. Toner, il s'agit avant tout de répondre aux attentes des clients.

"J'étais complètement sidéré. C'est un honneur de gagner chaque prix", a-t-il déclaré.

"Mais j'en connais aussi les inconvénients. Les attentes deviennent plus hautes et quand je dis +quel est le meilleur restaurant du monde+, je ne dirais pas mon restaurant, je dirais un restaurant trois étoiles."

L'établissement, situé dans un hôtel donnant sur la place du Dam, propose un menu de cinq plats au prix de 130 euros.

Pour la guide, Mme Nelis, les Néerlandais devraient être plus fiers de leurs produits.

"On a tendance à se plaindre beaucoup. On se plaint quand il pleut, quand il fait beau, on dit qu'il fait trop chaud. Et c'est pareil avec la nourriture. On ne se félicite pas assez."

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