"Nous sommes très inquiets. Il y a moins de monde que normalement à cette époque-là de l'année. Nous sommes très surpris de voir cette diminution du tourisme. On essaye de travailler normalement mais il n'y a rien d'exceptionnel pour le moment. Je ne sais pas si les gens vont venir", s'interroge, contrariée, Yola, qui travaille et vend ses peintures aux couleurs pastel sur la mythique place depuis 40 ans.
Son mari, François Renouf de Boyrie, moustache fine grisonnante et borsalino sur la tête, vit lui aussi de son art depuis 30 ans sur ce petit espace historique "parce que c'est l'une des premières destinations touristiques de Paris où ceux qui viennent sont intéressés par la peinture".
Selon l'agence d'attractivité internationale de la Région Ile-de-France (Choose Paris Region), 47,5 millions de touristes sont venus dans la région en 2023, dont 25,9 millions de Français, devant les Américains (2.680.000), les Britanniques (2.551.000) et les Italiens (1.579.000).
Le Sacré-Coeur, à quelques dizaines de mètres de là, a été le 4e site touristique le plus visité à Paris en 2022, derrière la Tour Eiffel, le musée du Louvre et l'Arc de triomphe d'après Choose Paris Region.
En cette journée pourtant ensoleillée, il n'y a effectivement pas foule sur la place du Tertre. Les touristes se baladent nonchalamment sans se bousculer, dans un mouvement circulaire autour de la place carrée pour admirer peintures et autres croquis.
"Personne"
Mais sur les terrasses et cafés, peu sont attablés, au grand dam des commerçants.
"Normalement, on devrait être en train de bosser à fond. Je ne m'attendais pas du tout à ça, plutôt l'opposé même", s'étonne Jonas Seignovert, gérant depuis trois ans du restaurant Eugène, ouvert du matin au soir et qui emploie une trentaine de personnes.
"On nous avait annoncé qu'il allait y avoir beaucoup de monde dans cette période des Jeux olympiques, et même avant. Et au final, non, il n'y a personne. Enfin il n'y a pas les personnes attendues", regrette-t-il, en se demandant si ceux qui viendront pendant les Jeux "vont vraiment vouloir" consommer.
"C'est un voyage qui coûte très cher, Paris. On a vu le prix des hôtels, le prix de la vie à Paris, donc est-ce qu'il va rester un peu d'argent pour profiter pleinement de l'environnement parisien et de l'environnement de Montmartre aussi ? Je ne sais pas", poursuit le restaurateur, convaincu qu'ils "ne rattraperont jamais en deux semaines ce qu'ils n'ont pas eu".
Madeline Ayala, une Mexicaine de 22 ans, professeure d'espagnol, vient d'arriver sur Paris et compte bien filer avant l'événement sportif: "Je pense qu'il y aura beaucoup de monde (...). Je sais que ça va être encombré, que ça va être plus cher."
Même propos pour Peter Vanackere, un éducateur belge en vacances, qui a tenu à venir dans la capitale française "avant les Jeux olympiques et pas pendant, parce que ce sera trop cher de rester ici".
Sur la place colorée, des affiches ont été récemment placardées sur les troncs d'arbre, émanant de la préfecture de police de Paris, pour avertir les commerçants qu'ils devront baisser le rideau du 1er au 4 août en raison des épreuves de cyclisme dont les parcours traversent le lieu. Idem pour les artistes, dont l'activité sera interdite.
"J'ai pris mon billet de train pour rentrer chez moi en Bretagne", lance Marc di Napoli, un peintre sexagénaire installé depuis 10 ans, se voulant plutôt philosophe. "La peinture c'est toujours fluctuant, donc il y a les belles journées, et les journées où il ne se passe rien".