Est-ce qu'un don familial peut se transmettre ? Jade Genin répond sans hésiter à l'AFP que le chocolat et la magie de ses associations improbables relèvent chez elle "un peu de l'inné".
"Je n'avais jamais pensé au chocolat. Pour moi, c'était le travail de mes parents", assure l'artisane de 32 ans, en baskets de luxe italiennes et tablier maculé de taches, depuis son atelier de l'avenue de l'Opéra.
Son père est Jacques Genin, un chocolatier autodidacte devenu une référence en France et à l'étranger.
"Après la classe, c'était les devoirs à l'atelier. Le week-end, j'y faisais venir les amis pour jouer. Dès qu'il y avait une occasion à célébrer, il y avait du chocolat", résume pour l'AFP la jeune entrepreneuse.
Pour s'aérer, Mme Genin choisit sport-étude, section patinage artistique, et l'école de glace jusqu'à l'âge de 14 ans, puis intègre une troupe professionnelle.
"Je voulais suivre mon propre chemin", dit celle qui se lance ensuite dans le droit, poussée dans les études par un père à l'enfance maltraitée et qui regrette de ne pas avoir pu en faire.
"Grand patron"
"Mais, dès que je m'éloignais du chocolat, ça me manquait", raconte la jeune femme, devenue en 2014 avocate et experte en fusion-acquisition.
Pendant deux ans, elle rejoint son père dans la chocolaterie de la rue de Turenne avec, dit-elle d'un sourire entendu, "les avantages et les inconvénients de travailler en famille".
L'héritière a envie de "passer à la production", assurée d'avoir un palais formé par une enfance baignée entre la pâtisserie et la haute gastronomie. Mais le paternel ne la "laisse pas toucher".
Elle s'y met, "16 heures par jour pour apprendre", mais les frictions entre le "grand patron" et le "petit patron" sont constantes.
"Je voulais faire à ma manière mais il fallait préserver son univers, ne pas abimer ce qui existait, gérer les deux, mon espace créatif et son héritage", souffle-t-elle.
En moins de six mois, elle se lance à son compte, sans se départir de son patronyme évidemment.
La boutique et l'atelier ouvrent avenue de l'Opéra à Paris, rebaptisée "Avenue du sucre", là où tous les commerces de bouche sucrés (Cédric Grolet, Pierre Hermé...) s'agglutinent désormais.
Jasmin, fleur d'oranger, rose
Sa création phare, les "Pyramidions" - des mini-chocolats de 5g - imitent la pointe de l'obélisque de la Concorde, située non loin de là.
Elle produit dans un atelier ouvert sur la rue, dans des petites machines, et limite l'ajout de conservateurs, de sucre et de protéines animales.
"Quand vous avez un héros entre les mains, interdit de le dénaturer", dit la chocolatière, même si le 100% chocolat n'est jamais possible dans cet artisanat-là.
Celle qui s'identifie sans problème au "côté fantasque" du personnage mythique de Willy Wonka dans "Charlie et la chocolaterie" joue avec des alliances improbables: zaatar sauvage, pâte d'anis marocaine Zamita, basilic thaï, camomille, poivre indonésien, jasmin, fleur d'oranger, rose...
Un univers "plus moderne, plus créatif, en utilisant les épices du monde et en phase avec les nouveaux consommateurs", résume auprès de l'AFP son père, qui espère une reprise par sa fille de l'affaire familiale avec une "mutualisation des outils en gardant l'ADN de chacun"