Inflation: les budgets de nombreuses cantines scolaires bientôt épuisés, s'alarment leurs gestionnaires

Nombre de communes auront "épuisé" à la rentrée leur budget alimentaire pour les cantines scolaires en raison de l'inflation, c'est pourquoi Etat et collectivités doivent leur redonner des moyens de toute urgence, alerte dans un entretien à l'AFP, Marie-Cécile Rollin, directrice générale du réseau Restau'Co.

QUESTION : Pourquoi Restau'Co, qui fédère 20.000 restaurants gérés en direct par des collectivités, leurs fournisseurs et les collectivités territoriales, lance-t-il avec d'autres acteurs du secteur, un appel à "sauver la restauration collective"?

REPONSE : Aujourd'hui la restauration collective fait face à une hausse, sur un an, de 10% sur l'ensemble de ses achats alimentaires, ce qui représente 40 centimes, pour un repas de collectivité qui compte entre 1,80 euro et 2 euros de produits alimentaires et consommables dans l'assiette. Or il manquait déjà 20 centimes d'euro dans les budgets, pour répondre aux exigences de la loi Egalim, à savoir 50% de produits durables et de qualité, dont 20% de produits bio. Aujourd'hui il manque 40 centimes d'euro pour chaque repas. Soit la collectivité fait une rallonge en arbitrant avec d'autres dépenses, soit -et certaines le font- elle prévoit une augmentation du tarif des repas. C'est souvent un mélange des deux solutions qui se met en place, mais la plupart des collectivités aujourd'hui n'ont pas pris de décision. De ce fait, nous sommes aujourd'hui en rupture d'approvisionnement sur de très nombreux produits.

Q: Quelles sont les conséquences de cette situation?

R: Certains gestionnaires de restaurants de collectivités essaient de limiter l'impact de l'inflation en dégradant la qualité de leurs achats: ils arrêtent le bio, reculent sur les produits labellisés, le local, importent des produits, pour faire quelques économies. Ce ne sont pas des solutions acceptables, elles mettent en difficulté les producteurs. La dynamique de progrès née de la loi Egalim est stoppée. Nous sommes très inquiets parce que beaucoup de nos adhérents nous disent que les budgets d'achats alimentaires pour l'année 2022 seront épuisés dès la rentrée, dans la restauration scolaire, autant municipale, que dans les collèges et lycées. Nous interpellons l'État de manière collective, pour trouver des solutions. La restauration collective qui nourrit 10 millions de personnes par jour et sert 3,7 milliards de repas par an, est essentielle pour la plupart des gens, notamment les personnes qui subissent la précarité alimentaire. Tout le secteur de la restauration collective, en milieu scolaire de la crèche à l'université, mais aussi dans les hôpitaux, les maisons de retraite, le secteur du handicap et les administrations, les armées...est en danger.

Q : Quelles solutions préconisez-vous pour limiter la hausse du coût des repas?

R : Nous cherchons des solutions techniques, mais le secteur a déjà beaucoup travaillé sur la diminution du gaspillage alimentaire, les cuissons... Nous cherchons aussi des solutions sur des produits, avec les filières de production, parce qu'on a conscience que cette hausse va être longue. Mais des décisions politiques doivent aussi être prises: les budgets n'ont pas été revus pendant cinq, dix ou parfois vingt ans, le secteur est particulièrement fragilisé, parce qu'on était sur des budgets déjà très bas. Très peu utilisée par les petites et moyennes communes, la tarification sociale doit l'être plus largement. Beaucoup d'acteurs, agriculteurs, PME, industriels agroalimentaires, distributeurs de commerce de gros... sont fragilisés parce que la restauration collective n'a pas les moyens d'acheter au juste prix. Des fournisseurs pourraient disparaître, ou ne plus travailler pour notre secteur: nous avons déjà des ruptures de livraisons quasi quotidiennes, sur des produits laitiers, des viandes hachées.

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